Réduire les inégalités crée de la prospérité
Ce texte a d’abord paru dans le blogue Prospérité Québec, en deux parties, les 13 et 15 octobre 2015
Les inégalités nuisent à tout le monde, les riches comme les pauvres, les urbains comme les ruraux, les hommes comme les femmes, les jeunes autant que les vieux. Il existe un consensus international sur les effets néfastes de la croissance des inégalités au niveau de la qualité de vie, de la prospérité et de la démocratie au sein des sociétés.
L’OCDE affirmait voir dans la crise économique récente une occasion de réduire les inégalités : « alors que la crise économique force des gouvernements coincés financièrement à repenser leur fiscalité et leurs programmes sociaux, l’occasion devrait être vue comme une chance de s’attaquer aux questions des inégalités et de la croissance simultanément ».
Des économistes du Fonds monétaire international soutiennent que les grands écarts de revenus et de richesses seraient en partie responsables de l’implosion de l’économie mondiale en 2008. Les pays plus inégalitaires auraient des périodes de croissance moins longues et les crises seraient plus brutales.
Les épidémiologistes britanniques Wilkinson et Pickett ont montré dans leur ouvrage phare The Spirit Level, une étroite corrélation entre les inégalités de revenu et différents indicateurs sociaux qui, comme l’analphabétisme ou la criminalité, pèsent comme des boulets sur la capacité de développement d’une société.
Le Conference Board soulignait en 2011 que le Canada est l’un des pays ayant connu la plus forte augmentation des écarts de revenus depuis une quinzaine d’années. Bien que moins touché par ce phénomène, le Québec n’a pas été épargné. La taille de sa classe moyenne s’est réduite depuis le milieu des années 1980 et la part des revenus captée par le 1 % le plus riche est passé de 7 à 11 % de tous les revenus.
L’on sait que des écarts importants de richesse nuisent à toute la société. La réduction des inégalités contribue à la prospérité d’une nation. Un jury de citoyens que nous avons animé dans le cadre de l’opération Je vois Montréal, a conclu que l’une des dimensions de la prospérité d’une ville consiste à réduire les inégalités économiques et sociales[1]. Or il n’y a pas de prospérité sans partage de la richesse, sans l’accès à l’éducation pour tous, sans un filet de protection sociale universel, sans une fiscalité juste.
Un sondage commandé par l’INM en 2014, montre un fort appui des Québécois à la réduction des inégalités (trois Québécois sur quatre le souhaitent)[2].
De même, les Québécois veulent que l’État mesure l’effet des politiques publiques sur les inégalités : 73 % des personnes consultées considèrent que lorsque les gouvernements mettent en place, modifient ou abolissent des programmes sociaux ou des services publics, ils devraient publier des études d’impacts quant aux effets de ces changements sur l’évolution des inégalités de revenus.
Prise de conscience
Un collectif de fondations philanthropiques, dont la Fondation Lucie et André Chagnon, a fait sienne cette demande que l’État mesure l’effet de ses politiques sur les inégalités. Une demi-journée de réflexion, animée par l’INM, a permis, en avril dernier, de faire avancer la discussion à ce sujet [3].
De son côté, l’INM a développé une méthodologie et l’a appliquée aux budgets provincial et fédéral 2015 afin de mesurer l’effet de ces budgets sur les inégalités. Dans les deux cas, l’effet est négatif [4] ; globalement les mesures qui y sont contenues contribueront à élargir les écarts entre les riches et les pauvres, entre les riches et la classe moyenne ou entre la classe moyenne et les plus pauvres de la société.
L’INM vient de publier un ouvrage intitulé : Les inégalités, un choix de société ?, qui brosse un tableau complet des apprentissages que nous avons faits depuis la parution, en 2011, dans L’état du Québec, d’un dossier démontrant que, malgré les efforts réels qui ont été faits, les inégalités augmentaient au Québec également.
Les politiques publiques et fiscales sont cruciales pour réduire les inégalités. Seulement 22 % des Québécois sont prêts à payer plus d’impôt pour réduire les inégalités, révèle toutefois notre sondage. Et nous avons observé une disparité dans la perception du problème entre les classes sociales : 66 % à 78 % de ceux qui gagnent moins de 100 000 $ appuient la réduction des inégalités contre 50 % seulement pour les revenus supérieurs.
Mais la création d’emplois de qualité, le développement local, la responsabilité sociale des entreprises, l’investissement responsable, le syndicalisme et bien d’autres actions de la société civile sont des actions tout aussi importantes.
On sous-estime les inégalités
Il faut dire, comme le révèle une enquête menée par l’Institut Broadbent (dont les résultats pour le Québec ont été dévoilés le 30 septembre, lors de l’Assemblée générale de l’INM, à l’occasion du lancement d’une vidéo interpellant les partis politiques fédéraux en campagne électorale), que les Québécois, ainsi que les Canadiens, sous-estiment les inégalités de richesse dans leur pays.
Pour en savoir plus, vous pouvez consulter le centre de documentation créé par l’INM sur ce thème depuis trois ans sur le web. Il s’agit du plus important centre de documentation en ligne sur le sujet en langue française au monde : http://inm.qc.ca/blog/documentation/ainsi que le Mirador des inégalités, le blogue de notre analyste Nicolas Zorn http://inm.qc.ca/blog/donnees-statistiques-lage-des-tenebres/.
[1] http://inm.qc.ca/blog/avis-du-jury-citoyen/
[2] http://inm.qc.ca/blog/sondage-leger/
[3] http://inm.qc.ca/blog/lettre-ouverte-inegalites-sociales/