Château de cartes
Ce texte a d’abord paru dans le journal Métro Montréal le 20 février 2014
La politique est un jeu cruel. En apparence, tous les coups y sont permis. Manipulation, mensonge, trahison. House of Cards, la série phare de Netflix, nous entraîne dans les extrémités de cette logique où même le meurtre ou l’emprisonnement de ses rivaux seraient tactiques admises pour arriver à ses fins.
Frank Underwood est le vice-président des Etats-Unis dans la deuxième saison de cette série dont les treize épisodes sont disponibles sur le site de Netflix depuis vendredi. Underwood nous entraîne dans les coulisses de la Maison Blanche et du congrès américain où il use de manigances pour faire avancer sa carrière politique.
Je regarde aussi depuis lundi la troisième saison de la série danoise Borgen – Une femme au pouvoir, diffusée sur Artv. Première ministre centriste du Danemark, Birgitte Nyborg perd ses élections et, après deux années de contrats dans le secteur privé, revient à la politique pour fonder un nouveau parti. Car le sien ne veut plus d’elle.
Nyborg est plus naïve qu’Underwood. C’est sur le tas qu’elle apprend la dureté du métier de femme politique, qu’elle découvre la mesquinerie, la tromperie, les effets pervers sur sa famille et sur sa vie amoureuse de l’engagement partisan. Elle apprend aussi à se servir des mêmes armes pour faire triompher ses propres orientations.
Au premier coup d’œil, ces deux séries confirment les préjugés que beaucoup d’entre nous avons à l’endroit de la politique où l’ambition personnelle, la cupidité et l’apparence l’emporteraient sur le bien commun.
Il y a certainement du vrai dans cela. Mais, comme le montrent les deux séries, la politique est bien autre chose, en plus de voir qu’elle se joue différemment dans deux cultures aux antipodes, la danoise et l’américaine.
Non, la politique sert aussi à protéger les droits des minorités, à assurer la sécurité publique, à financer les retraites de manière équitable, à veiller à ce que l’éducation soit accessible à tous et à ce que chacun puisse être soigné lorsqu’il est malade.
C’est parce qu’il existe plusieurs visions du bien que la vie politique se transforme en arène. Dans ce combat perpétuel, les coups viennent de partout, y compris de son propre camp. Il faut être prêt à les esquiver et à répliquer au besoin.
Juste au moment où vous croyez réussir, votre projet peut s’écrouler comme un château de carte. D’où le titre de la série de Netflix, une adaptation américaine d’une œuvre britannique. Il suffit d’un mauvais calcul, d’un événement imprévu, d’une querelle de famille, pour que l’assemblage fragile d’appuis à un projet de loi soit anéanti.
On peut bien se désoler de cette réalité. Elle est incontournable. Et on peut au contraire se réjouir que des gens qui ont à cœur une vision généreuse et progressiste de la vie en société acceptent d’aller se battre pour défendre ces idéaux.