Pour des partis municipaux
Ce texte a d’abord paru dans le journal Métro Montréal le 30 mai 2013
En confirmant sa candidature à la mairie de Montréal, Denis Coderre a annoncé qu’il ne créera pas de parti politique, au sens traditionnel du terme, car les partis, dit-il, « ont fait leur temps au niveau municipal ». En tout respect, je crois le contraire.
En fait, il faudrait créer des conditions encore plus favorables à leur existence, du moins dans les grandes villes, tout en leur imposant des obligations de transparence. Cela améliorerait la participation électorale et la participation politique au niveau local. Les partis sont des organisations qui débattent des enjeux politiques, les rendent intéressants, les mettent en évidence, attirent l’attention des citoyens, stimulent la discussion.
Le Québec est une rare juridiction d’Amérique du Nord où les partis municipaux existent et c’est ici que le taux de participation électorale est le plus élevé (en moyenne 45 % contre 25 % aux Etats-Unis).
Sans les partis politiques, une élection est un concours de personnalités et permet à des électrons libres comme le maire de Saguenay, Jean Tremblay, de faire du conseil municipal l’enceinte d’un combat personnel pour la religion catholique.
On cite souvent le cas Labeaume à Québec. Or son règne à la tête d’une équipe d’élus indépendants n’est pas sans créer du mécontentement chez des élus exclus des discussions en caucus qu’impose la discipline de parti.
A contrario, son prédécesseur dans la Vieille Capitale, Jean-Paul L’allier, s’était lancé à la conquête de la mairie en prenant la tête d’un parti existant depuis de nombreuses années, le Rassemblement populaire, qui avait développé une conception du développement de la ville crédible et consensuelle, à laquelle le nouveau chef apportait sa crédibilité. En une douzaine d’années, l’administration L’allier a transformé Québec pour le mieux, sans heurts.
L’existence de partis politiques assure la présence au Conseil municipal d’une opposition mieux structurée, ce qui est une condition de base du débat démocratique.
Le refus de la partisannerie tient souvent dans une conception du rôle de la Ville comme d’une administration de services (collecte des ordures, déneigement, aqueduc…) qui échapperaient aux débats idéologiques. Rien n’est plus faux.
Il suffit de lire le plus récent livre blanc de l’Union des municipalités pour s’en convaincre : les municipalités sont au cœur des grands défis de cohésion sociale, de développement économique et d’éco-responsabilité auxquels nos sociétés sont confrontées. Rien de neutre dans ces enjeux, qui interpellent des visions et des idéologies, entre lesquelles les citoyens sont appelés à trancher.
Enfin, il est faux de prétendre que la corruption est attribuable à l’existence de partis. Des enveloppes brunes ont servi, apparemment, à financer les élections de candidats indépendants, qui, sans parti, sans les bénévoles, membres et militants qui lui donnent sa vitalité, ont d’autant plus besoin de recourir aux services de firmes qui leur vendront des « élections clés en main » apparentées à la corruption.