L’énigme Joly
Ce texte a d’abord paru dans le journal Métro Montréal le 31 octobre 2013
Pourquoi une jeune femme inconnue du public, sans expérience politique, est-elle parvenue, comme l’a fait Mélanie Joly, à s’imposer dans la lutte pour la mairie de Montréal dont l’issue sera connue dimanche prochain ?
Je crois bien que c’est tout simplement parce qu’une portion importante de l’électorat souhaite un changement de génération en politique.
Ce changement n’est pas seulement lié à l’âge des candidats mais à la fraîcheur qu’ils apportent au débat partisan.
L’engouement des Québécois pour Jack Layton et le Nouveau Parti démocratique aux dernières élections fédérales témoigne de la même envie de confier à des gens nouveaux en politique le soin de les représenter.
Ils aimaient Jack, certes. Et celui-ci avait de l’expérience. Mais c’est pour ses candidats qu’ils ont voté, dans leurs circonscriptions respectives, même si la plupart d’entre eux étaient novices en politique. Plusieurs avaient moins de 40 ans.
Un sondage réalisé après la campagne fédérale avait montré que 45 % des électeurs néo-démocrates avaient voté NPD non pas tellement parce qu’ils aimaient bien ce bon vieux Jack. Mais surtout parce qu’ils voulaient du changement. 33 % l’avaient fait parce que, ont-ils répondu, après 20 ans avec le Bloc québécois, il était temps de passer à autre chose.
À Montréal, près du quart des électeurs rejettent autant le vieux routier libéral qu’est Denis Coderre, le leader désormais familier de Projet Montréal Richard Bergeron que le candidat de Coalition Montréal Marcel Côté qui, à 71 ans, fraye avec le gratin politique depuis quelques décennies déjà.
L’appui que récolte Mélanie Joly me paraît lié au moins autant à l’espoir qu’elle représente de ce changement de génération qu’à ses qualités intrinsèques.
Le programme de Mélanie Joly n’est pas particulièrement original et audacieux. Les idées qu’il contient sont connues. Il n’est pas évident qu’elle possède l’expérience et l’autorité voulue pour sortir la mafia de l’hôtel de ville. Sa connaissance des méandres de la négociation politique, essentielle pour le maire de Montréal qui doit sans cesse transiger avec Québec, Ottawa et les villes de l’agglomération, est infiniment moindre que celle de ses adversaires aguerris. Sa compétence dans les affaires urbaines, le développement économique ou la sécurité publique est mince.
Mais une partie de la population votera pour elle pour exprimer le désir d’autre chose que ce qui nous est offert sur le marché politique depuis quelque temps. C’est un appel. Mme Joly n’incarne probablement pas, pour nombre d’électeurs qui lui donneront leur vote, le maire idéal. Mais elle répond à ce dont ils ont le plus besoin : passer à autre chose.