La lutte des âges
Ce texte a paru dans un ouvrage publié par l’Institut du Nouveau Monde, Régénérations : Propositions citoyennes pour un Québec intergénérationnel, aux éditions Fides, au quatrième trimestre de 2012
Les jeunes sont individualistes ; les vieux ne pensent qu’à leurs « bobos ». Les jeunes sont impolis ; les vieux manquent de tact et « chialent » tout le temps. Les jeunes pensent tout savoir ; les vieux ont tout vu ! Les jeunes ne préparent pas l’avenir ; les vieux radotent au sujet du « bon vieux temps ». Les jeunes portent des pantalons aux genoux ; les vieux ne lâchent plus leurs calottes…
Mais les jeunes, ils ont de l’énergie, tandis que les vieux ont la sagesse. Les jeunes sont enthousiastes ; les vieux sont riches d’expérience. Les jeunes sont curieux, créatifs et audacieux ; les vieux, généreux et disponibles. Les jeunes cultivent une ouverture sur le monde ; les vieux développent l’entraide et l’engagement. Au contact des jeunes, on rêve et on reste jeune ; au contact des vieux, on apprend et on grandit.
Dans cette collection de perceptions et de préjugés, glanés au fil des Rendez-vous des générations de l’Institut du Nouveau Monde, en 2011, sont résumées les tensions qui forment les relations intergénérationnelles de notre temps. On décrit volontiers l’autre sous des traits agaçants. Mais l’on sait voir les forces sur lesquelles bâtir ensemble le monde rêvé.
C’est certes un grand paradoxe de notre époque. Toutes les conditions sont réunies pour transformer le choc des générations en une guerre à finir – guerre d’intérêts, d’argent et de pouvoir. Mais l’annonce de conflits inextricables est contredite par le maintien d’une solidarité intergénérationnelle qui ne se dément pas, au sein des familles comme dans les grands débats sociaux.
La tentation est forte d’endosser des clichés et de promettre, avec le vieillissement collectif, l’avènement d’une lutte des âges pour remplacer la lutte des classes. Il serait tout aussi irresponsable de nier l’apparition de motifs de rupture entre les cohortes nées à des époques différentes. La vérité réside entre les deux : la lutte des âges est une possibilité ; elle n’aura pas lieu si l’on prend les moyens pour cultiver les forces des différentes générations et que l’on reconnaît les contributions de chacune. C’est une question de choix. Les choix sont toujours politiques.
Le Québec n’est pas encore une société vieille
Il y a une bonne raison pour se préoccuper aujourd’hui des rapports intergénérationnels au Québec. C’est que le Québec n’est pas encore une société vieille. Les jeunes sont toujours bien présents. Ils représentaient 16 % de la population en 2006, contre 14 % pour les personnes âgées de 65 ans et plus. Cette situation va évoluer au cours des prochaines années, au fur et à mesure que les baby-boomers atteindront l’âge dit de la retraite. À ce moment-là, en 2031, les aînés formeront 26 % de la population, soit la même proportion qu’au Japon d’aujourd’hui. Beaucoup d’autres sociétés occidentales seront dans la même situation. La différence est que le vieillissement collectif du Québec se sera réalisé à un rythme deux fois plus rapide qu’ailleurs. Le nombre d’aînés va doubler au Québec au cours des 20 prochaines années.
Cela nous laisse un peu de temps pour voir venir. Nous en aurons besoin pour éviter, par des politiques publiques appropriées et des changements dans les comportements privés, que les raisons de se détester ne prennent le dessus sur la volonté de vivre ensemble, égaux dans nos différences.
L’une des conditions de succès est d’ailleurs, sans doute, d’admettre que si la lutte des âges n’est pas souhaitable, la fin des âges non plus. Malgré la transformation des parcours de vie, moins campés qu’autrefois en trois périodes figées (l’apprentissage, le travail, la retraite), il reste des moments dans la vie plus propices à certaines tâches, à certaines aventures et à certaines responsabilités. L’âge adulte succède encore bel et bien à l’adolescence, et l’idée de maturité n’est pas vidée de son sens. Nous sommes égaux en droit, mais pas égaux en âge.
Il ne peut pas y avoir de transmission, ni de mentorat, sans la reconnaissance de la valeur de l’expérience. Le respect entre les générations est tout aussi improbable si les plus âgés n’admettent plus que l’idée de progrès soit portée par ceux qui leur succèdent dans la pyramide des âges.
Une main tendue entre les générations
En 2006, l’Institut du Nouveau Monde a demandé aux 500 jeunes réunis pour sa troisième école d’été de rédiger des manifestes pour décrire le monde dans lequel ils veulent vivre. L’un d’eux, intitulé Debout, interpelle le sens des responsabilités de tous les groupes de la société : les travailleurs, les patrons, les politiciens, les jeunes et… les aînés. Dans ce document, comme dans bien d’autres produits par nos jeunes participants, le désir de communiquer avec les générations précédentes et de recevoir d’elles des conseils et une voie à suivre en forme d’héritage me paraît évident.
Évidemment, ils l’expriment dans leur langage à eux : « Hey, les aînés, debout ! / Que nous léguez-vous ? / Que voulez-vous nous léguer ? / Un fardeau financier ? Un monde pollué ? Une ignorance absurde ? / Sortez de vos tombeaux, bougez vos cadavres inertes ! / Apprenez-nous à giguer, comblez notre ignorance, inspirez-nous par l’exemple, aidez-nous à nous souvenir ; / aidez-nous à apprendre, à grandir, à nous développer, à nous épanouir et à nous responsabiliser comme individus et comme collectivité. / Grand-papa, grand-maman, occupez-vous de moi, maman travaille, papa vit loin, j’ai besoin d’amour. / Léguez-moi vos valeurs. Donnez-nous des rêves. »
L’idée de la transmission reste bien vivante, tant chez les plus jeunes que chez les plus âgés – en témoigne le goût renouvelé pour l’histoire ou la musique néotraditionnelle chez les jeunes, ainsi que l’appétit des aînés pour les nouvelles technologies. Et sur le plan politique, des idées de vieux sont reprises par des jeunes pendant que les parents et les grands-parents d’étudiants militants ressortent leurs pancartes et leurs espadrilles pour marcher dans la rue, à leurs côtés, pour l’accès à l’éducation ou en faveur d’un développement durable.
Un bris de communication
Les risques que se creuse un fossé entre les générations demeurent cependant. D’abord par le fait que l’allongement de la vie ajoute, en quelque sorte, une ou deux générations aux trois qui cohabitaient jusqu’alors. De nouvelles tranches de vie apparaissent après l’âge de 70 ans. Il est terminé le temps où les centenaires faisaient la une des journaux ; leur situation se banalise tant le nombre de personnes qui franchissent le cap des 100 ans augmente sans cesse. Au Canada, on estime qu’ils seront 17 000 dans 20 ans.
Or ces personnes nées à 80, 90 ou 120 ans d’écart appartiennent à des siècles différents et évoluent dans des univers technologiques totalement opposés. La communication ne peut pas être la même entre des gens nés à l’époque du télégraphe et d’autres qui voient le jour à l’âge de l’iPad. Non seulement la communication change, mais aussi la manière de s’informer et de traiter la connaissance. Et ces changements technologiques surviennent à une vitesse accélérée. C’est comme si l’on n’avait pas le temps de s’y adapter, de les maîtriser et d’en léguer l’usage à la génération suivante.
Les générations qui se succèdent depuis le milieu du siècle dernier ont toutes vu apparaître un nouveau moyen de communication que la génération précédente n’avait pas encore apprivoisé. Au contraire, il a fallu 1 700 générations avant que l’homme développe le langage. Puis 300 autres avant que l’écriture ne soit inventée. Puis 35 avant l’avènement de l’imprimerie.
Mais les nouvelles technologies ne changent pas seulement la communication en apparence. Elles transforment le rapport aux autres et le rapport au travail. Nous avons vécu, au XXe siècle, la période de la communication de masse par la télévision, mais nous traversons aujourd’hui celle de la fragmentation des publics. Qu’advient-il des repères familiers dans une société fragmentée ?
Les jeunes vivent dans des logiques de réseaux, dont l’internet est l’archétype, où les relations sont égalitaires. Les plus âgés ont grandi dans des logiques hiérarchiques, tant au travail, dans la famille, que dans les engagements civiques et sociaux. Un syndicat ou un parti politique est une structure pyramidale dans laquelle le pouvoir est concentré entre les mains d’une oligarchie et où un militant doit gravir les échelons. Internet est un réseau ouvert dans lequel tout le monde est égal. Le rapport au pouvoir s’en trouve complètement modifié. La relation au chef est plus lâche. L’engagement est aussi moins durable, bien qu’il puisse être renouvelé. Il n’est pas moins intense pour autant.
Des trente glorieuses à la société du risque
Les jeunes nés depuis 30 ans dans les sociétés occidentales grandissent dans des sociétés du risque où rien n’est acquis et dans lesquelles on ne sait trop quand la planète va sauter (façon de parler…) ! Leurs parents et grands-parents ont vécu les trente glorieuses, ces années de croissance économique continue, entre la fin de la Deuxième Guerre mondiale et le choc pétrolier de 1973, marquées par le baby-boom et une sorte de prospérité joyeuse qui semblait infinie. Ce fut aussi l’époque de la consolidation de l’État-providence, qui a créé des conditions de liberté inédites. On a alors libéré les individus du risque de l’ignorance avec l’école publique, du risque de la maladie avec l’assurance santé et du risque de la pauvreté avec la protection sociale. Fort contraste, qui s’accentue lorsque l’on compare avec les grands-parents nés, quant à eux, dans une société de pénurie, où la misère noire existait encore.
Le rapport au travail n’est pas le même pour un jeune travailleur né en 1990 et un autre, qui n’est plus très jeune, né en 1950. Si ce dernier voit dans le travail le principal moyen de valorisation de soi, le plus jeune n’y voit qu’un moyen parmi d’autres d’être reconnu. Celui-ci voudra concilier travail avec famille, loisirs, engagement social. Dans l’entreprise, il voudra rapidement acquérir du pouvoir. Il voudra être consulté sur les règles du jeu. L’aîné aura été formé à obéir. Pour défendre ses droits, il s’en remettra au syndicat, tandis que son cadet n’en aura cure, préférant protester par une démission, puisque nous vivons tout près du plein emploi (alors que le chômage était le lot des jeunes qui arrivaient sur le marché du travail à 20 ans au début des années 1980).
Les entreprises s’adaptent à cette nouvelle main-d’œuvre certes plus indépendante, mais dont on a cruellement besoin à l’heure où, à cause du vieillissement, se pointe ce que d’aucuns qualifient de « pénurie de main-d’œuvre » (un concept contesté par d’autres). Et voilà que ce sont les plus vieux qui écopent. Ils ne suivent plus la cadence.
Leurs connaissances chèrement acquises par de nombreuses années de labeur, et qui en font des artisans de premier ordre, ne sont plus reconnues dans le nouvel univers du travail marqué au fer de la polyvalence, de l’adaptabilité, de la mobilité et de la performance individuelle. Déclassés, ils trouvent moins de plaisir à travailler. Pas étonnant qu’ils prennent leur retraite aussitôt que leurs finances le leur permettent. Dès lors, c’est une expérience, une expertise, une compétence perdue.
La réforme de l’organisation du travail apparaît, autant dans la littérature scientifique sur le sujet que dans les Rendez-vous des générations de l’INM, comme l’un des principaux chantiers à ouvrir pour assurer une meilleure solidarité intergénérationnelle.
L’idée est simple : reconnaître et conserver l’apport des plus âgés, qui peuvent agir comme mentors auprès des plus jeunes à qui on laisse une place, y compris dans des postes de responsabilité. Un jeune père ou une jeune mère pourrait vouloir travailler trois jours par semaine pour prendre soin de son petit, et un aîné, toujours volontaire, occuper les deux autres jours, puis en faire un troisième pour transmettre au plus jeune son expérience.
Pour réaliser cela, les pays qui ont agi ont tous adapté leurs politiques de manière à inciter les employeurs, par des crédits fiscaux ou autres, à modifier les horaires de travail, ajouter de la souplesse dans l’organisation des quarts, etc. Bien entendu, dans une société syndiquée à 40 % comme le Québec, des négociations et des ententes avec les syndicats sont nécessaires.
On pourrait aussi explorer des domaines comme celui de l’agriculture, dans lequel il n’est pas facile pour un jeune de faire sa place, d’acquérir, autrement que par héritage de ses parents, un droit de produire, un quota, une terre viable. Les plus audacieux, ceux qui veulent développer un créneau nouveau – des fromages, de la viande d’autruche ou que sais-je –, doivent se frayer un chemin entre les producteurs bien protégés par des régimes de gestion de l’offre et d’assurance agricole, qui certes stabilisent les marchés et créent une certaine sécurité, mais peuvent aussi brimer l’innovation et l’initiative entrepreneuriale.
L’heure des comptes
Il se pourrait que la volonté de vivre ensemble, toutes générations unies, se heurte sur autre chose que les préjugés, la communication ou le rapport au travail, provoquant des conflits et des déchirures. Cela surviendrait à l’heure des comptes. En filigrane des grands débats intergénérationnels apparaît en effet la « question qui tue » : qui va payer ? Qui va payer pour le coût croissant des soins de santé auprès d’une population vieillissante ? Qui va payer pour les retraites des travailleurs d’aujourd’hui dont la moitié, selon les experts, n’épargnent pas suffisamment pour garantir le maintien de leur niveau de vie à 65 ans ? Qui va payer pour l’éducation de leurs enfants, de la maternelle à l’université ? Qui va payer pour la détérioration de l’environnement ?
Parce que, avec le vieillissement collectif, la proportion de personnes en âge de travailler et de payer des impôts diminue au fur et à mesure que les boomers prennent leur retraite. En 2031, on comptera deux travailleurs pour un retraité, alors qu’on en comptait huit pour chaque pensionné dans les années 1970.
Cela est d’autant plus préoccupant que les Québécois prennent leur retraite plus tôt que partout ailleurs en Amérique – à 60 ans en moyenne, alors que l’espérance de vie en bonne santé atteint maintenant 70 ans chez les hommes et 73 ans chez les femmes. Quelque 45 % des nouveaux retraités ont moins de 60 ans au Québec, contre 33 % en Ontario, et 60 % des nouveaux retraités du secteur public québécois accrochent leurs patins avant d’atteindre la soixantaine.
Aujourd’hui, on vit presque aussi longtemps à la retraite qu’on a été actif sur le marché du travail. Autrefois, on étudiait pendant 20 ans, on travaillait pendant 40 ans et on profitait de sa retraite pendant 5 ans avant de mourir. De nos jours, on étudie pendant 25 ans, on travaille pendant 30 ans et on est à la retraite pendant aussi longtemps, sinon davantage. Or les régimes de retraite, tout comme les grands systèmes de protection sociale (incluant le système de santé), ont été conçus à une autre époque. Ils ne tiendront pas longtemps.
Depuis plusieurs années déjà, on voit apparaître la crise du financement de la santé, dont le coût, au Québec, a doublé en quelques années. Le vieillissement n’en est d’ailleurs pas la cause principale. Le facteur le plus déterminant est celui de la hausse du coût des ressources humaines, ce qui n’a rien d’anormal dans un service comme celui-ci, suivi de l’augmentation du prix des médicaments et des technologies.
Cette évolution fait craindre le pire aux plus jeunes, qui se demandent si, lorsqu’ils atteindront l’âge vénérable de leurs grands-parents, ils auront toujours droit aux mêmes services publics. Or depuis les années 1980, l’ère des Reagan et des Thatcher, on ne cesse de renvoyer à la prévoyance individuelle des responsabilités qui, jusque-là, étaient considérées comme relevant de l’État-providence : épargnez pour payer vos droits de scolarité universitaire ; épargnez pour votre retraite ; achetez une assurance maladie privée complémentaire pour couvrir ce qui échappe au secteur public de plus en plus engorgé ; devenez entrepreneur ou travailleur autonome ; boudez les syndicats, et ainsi de suite à l’avenant. Le mot d’ordre de la « nouvelle gestion publique » est celui de la réduction de la taille de l’État. Personne n’est contre l’allègement d’une certaine bureaucratie. Mais il faut voir ce que cela instille comme appréhension : les vieux d’aujourd’hui se demandent s’ils seront bien traités à l’hospice, tandis que les jeunes se demandent s’ils auront droit à des soins tout court, bons ou mauvais.
Réinventer nos politiques sociales
La tendance à renvoyer à chacun sa sécurité sociale et financière exacerbe évidemment l’individualisme ambiant. Le « chacun pour soi » constitue probablement un facteur de déchirure sociale plus important que le vieillissement collectif. C’est maintenant, pendant qu’il en est encore temps, qu’il faut réinventer nos politiques sociales si l’on souhaite rétablir non seulement l’équité mais la solidarité entre tous les citoyens, quel que soit leur âge et quelle que soit la génération à laquelle ils appartiennent.
Or cette volonté de réforme, clairement exprimée dans la Déclaration des générations, se heurte à des rigidités idéologiques. Il y a ceux, qui se disent à gauche, et qui ne veulent pas changer le système de peur qu’en le changeant, on renonce à certains services publics. Et il y a ceux qui refusent de se dire à droite, bien qu’ils le soient, et qui ne veulent pas toucher au système de peur qu’en le changeant, on le rende encore plus généreux (et que les privilégiés du système actuel y perdent des bénéfices). À ce jeu, ce sont ces derniers qui gagnent, car le statu quo entraîne la dégradation du service public et incite nombre de citoyens, informés, scolarisés et fortunés, à opter pour le privé, renforçant l’égoïsme et les inégalités.
Une question de pouvoir
On parle d’argent mais on parle aussi de pouvoir. Les autorités responsables d’organiser les élections au Québec et au Canada ont récemment sonné l’alarme quant au faible taux de participation électorale des jeunes. La très grande majorité des élus municipaux sont âgés de plus de 45 ans. Les conditions ne sont guère favorables, à cet échelon du pouvoir pourtant le plus près de la vie des gens, pour que des jeunes y participent en se faisant élire.
Entre autres obstacles, la rémunération y est insuffisante pour permettre à un jeune parent de subvenir aux besoins de sa famille. Certes, beaucoup de jeunes s’engagent autrement dans des mouvements civiques ou sociaux. Mais leur poids dans la société diminue au fur et à mesure que les aînés vivent plus longtemps. Leur pouvoir d’influence n’est pas nul (ils l’exercent entre autres par leurs choix de consommation, leur présence médiatique, leur maîtrise de savoirs nouveaux et leur énergie), mais il est relatif aux alliances qu’ils sauront développer.
Les priorités des jeunes peuvent également triompher parce que les vieux sont aussi des grands-parents, ou des parents, et qu’ils ont à cœur la réussite de leurs descendants. On redécouvre ainsi la solidarité familiale qui s’élargit ou, du moins, peut s’élargir au-delà des cercles intimes jusqu’à l’ensemble de la société. Il n’est pas interdit non plus d’admettre qu’une société qui investit dans ses jeunes, dès la petite enfance, prépare des générations plus aptes à relever tous les défis qui nous attendent comme humanité. Et dans cette humanité, puisque l’espérance de vie continue d’augmenter, nous partagerons encore longtemps les risques et les aspirations entre générations.
C’est peut-être d’ailleurs la voie la plus prometteuse pour une solidarité intergénérationnelle renouvelée, adaptée aux temps présents : reconnaître les aspirations, les désirs, les risques que nous avons en commun, jeunes et vieux. Et puis se mobiliser pour les réaliser, les rendre possibles ou les atténuer. Ne voulons-nous pas tous un accès universel au savoir par l’éducation ? Ne voulons-nous pas tous l’accès à la santé, au bien-être, à la sécurité ? Ne cherchons-nous pas tous une qualité de vie, le respect, la préservation de la nature, la justice sur Terre ? Et n’avons-nous pas appris, au fil des crises économiques, financières et écologiques qui secouent la planète, que c’est ensemble que nous avons le plus de chance d’atteindre ces objectifs ? Quand nous aurons compris cela, nous saurons qu’il n’y aura pas de lutte des âges.