La démocratie est plus forte que la corruption

Ce texte a d’abord paru dans le journal Métro Montréal le 2 mai 2013

Nous avons tous été heurtés par les propos de Gilles Cloutier à la Commission Charbonneau cette semaine. À entendre cet ancien collecteur de fonds, les partis politiques seraient financés essentiellement par les entreprises, en contournant la Loi adoptée en 1977 sous René Lévesque pour mettre fin aux caisses occultes.

La loi, qui vient d’ailleurs d’être resserrée, prévoit en effet que seuls les électeurs peuvent contribuer à des partis politiques. Mais Gilles Cloutier nous annonce qu’à peine deux ou trois ans après son adoption, les vieux routiers comme lui avaient trouvé le truc pour la contourner, en utilisant des prête-noms par exemple.

Selon Cloutier, pas plus de 10 % des dons faits à des partis politiques au niveau municipal, guère plus de 20 à 30 % au niveau provincial, seraient faits par du « monde ordinaire », c’est-à-dire des citoyens comme vous et moi qui contribuent à un parti par conviction et engagement. Tout le reste serait du financement illégal.

On peut prendre le témoignage de cet organisateur pour vérité. Mais je ne suis pas prêt à accepter la parole d’un homme corrompu pour argent comptant. J’aimerais que ses propos fassent l’objet de vérification.

Que la loi fut contournée, personne n’en doute. C’est d’ailleurs pour cette raison que le gouvernement actuel a modifié la loi pour limiter la valeur des dons individuels, rendre plus difficile l’usage de prête-noms et augmenter la proportion du financement des partis provenant directement des fonds publics.

Mais que cette pratique illégale soit devenu la norme reste à prouver.  Donner raison à Gilles Cloutier revient à baisser les bras devant ceux qui contournent la loi et détournent de son sens la participation démocratique.

En 2010, l’Institut du Nouveau Monde avait organisé pour le compte du Directeur général des élections du Québec un jury de 12 citoyens qui se sont prononcés sur le financement des partis politiques.

Ceux-ci, provenant de divers milieux, avaient rejeté l’idée de laisser les entreprises financer les partis politiques. Ils avaient tout autant rejeté le principe que le financement des partis soit entièrement étatique.

Ils défendaient « la noblesse de l’action politique » et « la grandeur de l’acte qui consiste à contribuer à la vitalité politique de notre société » par le don en argent ou le bénévolat. Nous connaissons tous des dizaines de personnes qui donnent de leur temps et de leur argent pour soutenir le parti de leur choix. Le témoignage désinvolte de Gilles Cloutier est une insulte à l’endroit de ces dizaines de milliers de militants.

La démocratie doit être plus forte que la corruption. La démocratie compte sur nous pour démentir, par nos engagements individuels, la parole d’un corrompu.